La Une sur la ministre de la Justice "Taubira a la banane", n'est pas une bévue d'un journaliste irresponsable. Les mots et les intentions sont délibérément choisis. Minute arbore à sa boutonnière cette ligne éditoriale, similaire à la presse vichyste des temps de l'occupation, depuis 1962. Minute devint alors l'arme contre De Gaulle et l'indépendance de l'Algérie. Ses ennemis demeurent, la gauche évidemment, mais aussi la droite républicaine et depuis 2010, le Front National. Rappel.
Le journal, lancé au milieu des années 50, reprit du service à partir de 1962, sous la direction d'un nostalgique de l'Algérie française, Jean-François Devay. Il se situait très à droite de l'échiquier politique, mais ne soutenait aucun parti. Ces cibles privilégiées étaient le Général De Gaulle et les partis qui le soutenaient, l'UNR, puis l'UDR, l'UD 5ème, RPR etc. Il faut reprendre les archives de l'époque pour se rendre compte de la violence des propos. Il puisait ses ressources dans l'antiparlementarisme, notamment et aussi pour une grande part dans l'anticommunisme, que le journal mettait au même rang que son antigaullisme. Paradoxalement, sous le manteau, l'on trouvait des défenseurs du journal dans les rangs des républicains indépendants, parti giscardien. Une proximité expliquée par l'aversion des RI envers les gaullistes. A l'époque, des personnalités du show business soutenaient minute, y compris par certaines marquées plutôt à gauche. François Brigneau fut l'un des éditorialistes de l'hebdomadaire, vendu à cette époque à plus de 200 000 exemplaires chaque semaine. Dans les années 70 un autre collaborateur rejoignait la rédaction: Patrick Buisson. Celui-là même qui fut l'une des éminences grises de l'Elysée entre 2007 et 2012. Puis Jean Montaldo, écrivain et journaliste, auteur de "Mitterrand et les 40 voleurs", en 1994, puis "Rendez l'argent" l'année suivante. Montaldo démissionne du journal en 1972 pour désaccord avec la direction. En 1990, le journal est en petite forme financière. Il est racheté par un ancien député FN ami de Bruno Mégret. En 1999, le titre disparait pendant quelques mois avant de réapparaitre sous une nouvelle formule.
Anti Marine Le Pen
Aujourd'hui, Minute se dit souverainiste et nationaliste. C'est vrai, qu'il avait soutenu Philippe de Villiers avant ses déboires familiaux, comme il soutint Jean-Marie Le Pen. Mais en 2010, lors de l'affrontement Marine Le Pen-Bruno Golnisch, pour la présidence du parti, le journal préféra Golnisch et Marine Le Pen n'a pas la mémoire courte....d'où sa critique très prononcée contre le journal à propos de Christiane Taubira.
Années 70, Minute s'attaque à René Tomasini
Dans l'Eure, Minute a une cible qu'il ne lâche pas d'une semelle. René Tomasini fut maire des Andelys, vice-président du conseil général, député de l'Eure, secrétaire d'Etat dans le gouvernement Chirac de 1974-1976, puis sénateur de l'Eure. Une carrière sous la bannière exclusive du gaullisme. A l'époque, Tomasini eut à se défendre dans une affaire dite du fichier de l'ORTF. Il était accusé par des syndicats et des partis politiques, de s'être fait remettre par un haut responsable de la télévision publique, du fichier de la redevance audiovisuelle, dont il se serait servi pour sa propre société, où il était actionnaire. Mais pas seulement. Toutes les actions du député gaulliste, à Paris comme dans l'Eure étaient décortiquées et vilipendées par le journal. Tomasini avait été, à droite, un des plus fervents défenseurs de l'indépendance de l'Algérie. Il payait sa position.
Un informateur dans l'Eure
L'hebdomadaire rapportait régulièrement les faits et gestes du député dans le département. Tel vote au conseil général; telle décoration à un ami financeur de campagne électorale; une remise de décoration à un agriculteur de préférence gaulliste, etc. D'où partaient ces informations à destination de Minute? Tomasini cherchait... en vain! Bien plus tard le pot au rose fut découvert: un ami andelysien directeur du journal local. Ce dernier, furieux de s'être vu refuser une Légion d'Honneur par le député, se vengeait comme il pouvait. Mais pourquoi René Tomasini n'optempéra pas au souhait de cet influent personnage?....C'est que d'autres journalistes, à Rouen, anciens résistants et gaullistes de surcroit, avaient de bonnes raisons de douter du patriotisme, durant les années d'occupation, du directeur de presse, andelysien. Ils informaient, ardemment le député, des faits.
Faut-il interdire Minute?
Certes non. La vraie sanction, en cas d'injures racistes et antisémites, c'est la justice qui peut la prononcer.
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